La rue ne fait pas d’enfants !
A Dakar, un incendie dans le quartier de la Médina, dans la nuit du dimanche 4 mars 2013, a coûté la vie à neuf personnes dont 7 talibés* (enfants-mendiants) ainsi qu’un brûlé grave. Les victimes sont tous des enfants dont le plus âgé n’avait que 12 ans. Je suis au Cameroun et cette actualité me bouleverse. Ah, le Sénégal! J’y vois que Chidid, Youssou N’dour…

Nous sommes le 7 Avril et le Sénégal est sous le choc!
Pour écrire ce billet, je m’y suis prise trois fois. Je ne me sens pas légitime de parler des enfants de la rue. J’en suis pas une. J’ai rencontré Anta Mbow, directrice de l’Empire des enfants après cette tragédie. J’étais choquée par ce fait divers et même temps je me suis sentie à ma place. Je sais : bizarre et pourtant!
Ce sentiment, je le connais un peu trop bien. Comment peut-on abandonner son enfant ? C’est la question à laquelle je cherchais des réponses. Avec Anta et ses dizaines années d’expériences , j’ai eu mes réponses.
Au Cameroun, on les appelle les EDR (les enfants de la rue). En 2011, selon des enquêtes réalisées par le Ministère des affaires sociales (MINAS) à Douala, Yaoundé (Agglomération à fort taux de population), un peu plus de 46% des EDR sont le fruit de conflits familiaux. Vient ensuite la recherche du mieux-être (près de 35% d’enfants quittent leur foyer) et enfin l’exaltation pour l’aventure. Le programme « Enfants de la rue » (EDR) du Mfoyer, c’est déjà quelques 634 enfants identifiés, et près de 140 sortis de la rue à travers des programmes de réinsertion (les centres d’accueil et de prise en charge).
Moi, je suis une orpheline de père, de mère, de famille. Et lorsque Anta parle de ses petits fils (ses pensionnaires), je ne m’empêche pas de penser à ma mère. Son dévouement à nous garder, nous protéger. Ah! Ma mère! Anta parait elle. En voulant les garder coûte que coûte, Anta ne déroge pas à la mission d’une mère. Il faut:
- S’assurer qu’ils s’inserrent dans la cellule familiale;
- Qu’ils ne reviennent plus dans la rue.
Ils ont de 5 à 15 ans. Et la rue ne fait pas de cadeau. Son association est donc devenue un refuge une institution pour la brigade des mineurs, les enfants des rues (Talibés).
Son bureau donne sur la cour, rangé à la va vite, sûrement dû aux visites inopinées de ses multiples de ses pensionnaires. Je ne peux m’empêcher en voyant ses 50 petits fils (Comme Anta les appelle affectueusement) de lui demander comment elle fait. Elle a ce souffle que toutes les mères ont en s’adossant sur son siège. Elle parait chercher un appui. Cependant, son corps n’exprime pas la lassitude mais la rage.
Elle dit subvenir à leurs besoins grâce aux dons:
- Celui des Sénégalais de bonne volonté,
- Des associations aux USA, en France, interpellées par son site internet offert gracieusement par un des éducateurs français,
- Les lions de la Teranga,
- plus récemment une subvention de l’Etat
Il faut les nourrir, les doucher, les envoyer à l’école durant leur séjour à l’empire, payer l’électricité, gérer la négociation par des appels téléphoniques. C’est un coût. Pas si facile, mais elle finit toujours par y arriver. Les mères c’est comme ça. Personne ne sait comment elles font, mais elles y arrivent. C’est une une lionne , comme toutes les mères d’Afrique, mais elle est de la Teranga.
En continuant à écrire ce billet, j’ai les larmes aux yeux… Je ne peux m’empêcher. Je vois son dévouement. C’est 1.800 petit fils déjà sauvés de la rue. Et si elle pouvait me sauver, moi. Si je pouvais l’avoir elle. Mes réponses, je les ai pas encore trouvées. Alors je me demande si je devais pas lui poser la question. Comment fait-on pour se réinsérer dans la société ? Anta me demande alors d’aller voir Cheikh Sall: l’éducateur.

Il a le même âge que moi… Ses 1m80, son coté protecteur me rassurent. Je comprends pourquoi c’est lui et pas quelqu’un d’autre. Je suis toute de suite à l’aise avec lui. Il me révèle que pour les réinsérer, il faut mettre les enfants en confiance. C’est tout.
Au travers des jeux, les enfants sont mis en scènes. Et le fait d’être mis en scène les rend confiant. Il peuvent se réinsérer par conséquent. J’ai eu ma réponse. J’écris parce que je me guéris sans le savoir. Et l’écriture me met en scène et je prends confiance.
En quittant l’empire des enfants, je suis heureuse. Et j’ai ces paroles d’Anta en fond sonore:
« La rue ne fait pas d’enfants. Les talibés (Enfants-mendiant) sortent des dara (école coranique) de mauvais marabouts. Parce que leurs parents ont juste baissé les bras, ils n’ont pas abandonné. Le 17 mai 2013 prochain, je fêterais mes 10 ans et c’est dix ans de trop. Il faut AGIR. »
Selon l’ONG Human Rights Watch, au moins 50.000 enfants fréquentent des écoles coraniques dans des conditions qui s’apparentent à de l’esclavage.

Allez,
Son’a ponda Bathi-kaname (A bientôt en Wolof)
*Talibés : nom donné normalement à l’élève coranique, mais nom qui désormais désigne le plus souvent, un enfant en guenilles qui passe sa journée à mendier.
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