Je suis camerounais et je suis du Front national
Il est 6 heures et mon horloge interne me rend nerveuse. La veille, j’ai dormi à 3 heures du matin. Suis-je vraiment réveillée ? Suis-je vraiment reposée ? J’émerge peu à peu. Et les souvenirs de la veille se bousculent dans mon hémisphère gauche. Mais seul un événement me fait sourire béatement : mon voyage en train. Il eut les allures d’un voyage dans le temps compte tenu de la conjoncture. J’ai failli le rater. Moi et mes multitudes sacs à dos, j’ai couru après le wagon. J’ai attrapé la main du contrôleur et je me suis glissée dès 6 h dans un univers bien compliqué.
Je suis camerounais, je suis français…

Ecouteurs aux oreilles, les voyages en train sont d’un ennui, si vous n’avez rien à faire. Alors d’une oreille, je suis de la musique religieuse. Quoi ? On ne sait jamais. Et l’autre oreille vadrouille. Et cette voix, cette voix à l’accent du nord-ouest du pays :
Hé mon frère, vous allez bien ? Je vais à Yaoundé retirer mon « passport ». Votre pays-ci est terrible.
Mes compagnons de train le regardent, tous étonnés. La suite de la conversation nous interpelle sur son statut d’immigré en France. Il raconte une histoire de passeport mal fait par un officier d’état civil camerounais, évoque son incompétence, et par ricochet celle du pays. Comme piqués dans notre amour propre de Camerounais vivant au pays, et non dans la jungle avec des animaux, nous commençons à nous intéresser à cette histoire. L’homme vit en France. Il a une carte de séjour et entame un processus de renouvellement de passeport, il a dû revenir aux pays pour récupérer le sien. Pourquoi ? L’officier d’état civil a mal écrit son nom. Sur son acte de naissance, il ne possède pas de prénom. Sur sa carte de séjour en France, si ! Sur sa carte camerounaise, non ! Par conséquent, sur son passeport, pas de prénom. Ses diplômes également, pas de prénom. Alors il s’insurge. Mes collègues d’en face le traitent de faussaire. Ils sont choqués par son comportement. Le monsieur tente d’expliquer en vain sa double nationalité. Il travaille en France, mais ses diplômes camerounais peuvent lui apporter plus. Il parlait français, mais son accent trahit une langue qu’il parlait auparavant : l’anglais. Alors tout le monde lui dit parle anglais. Il dit : « Non je suis français, je suis intégré ».
Je suis noir et j’aime le Front national
Cette phrase nous a presque choqués : « Je suis français, je suis intégré ». Il y a comme un temps d’arrêt parmi les autres passagers, on essaye d’accuser le coup. Et l’un d’eux dit : « Comment pouvez-vous penser comme ça ? Vous, immigrés, maux de la non-croissance de la France selon ce parti. Son discours envers les immigrés n’est pas tendre ... »
Il rétorque : « Je suis noir, j’ai mes papiers et je suis pour le FN. Pourquoi ? Le parti veut juste limiter, voire arrêter l’immigration, c’est tout ! Ce ne sont pas des propos racistes. Et elle a bien raison Marine. »
Alors je lui demande : « Savez-vous ce que rapporte l’immigration à la France ? » Il me répond : « Non ! » Connaissez-vous le montant de F CFA gagné par les ambassades de France en Afrique ? Connaissez-vous le nombre de rejets de visas, le montant des frais d’études récolté chaque année ? Non, il ne le sait pas…
Allez, Son’aponda
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