Bordel, cette foutue oralité!

Article : Bordel, cette foutue oralité!
Crédit:
28 mars 2013

Bordel, cette foutue oralité!

Photo de Griot sur Uniprovince
Photo de Griot sur Uniprovince

Ce billet, je l’ai pas prémédité. C’est une longue série de ceux que je ne publie jamais. Il y a longtemps que je blogue? Non, je ne pense pas. Mais cette activité me permet de masquer mes envies, de me planquer envers et contre tous. Je ne suis pas parano. Oh! Mais lorsque vous vivez dans un pays (dans une ville que dis-je) aux noms de quartier bizarre. Je vous assure, il y  a de quoi.

Il est 19h45. Et comme d’habitude la moto qui vient me chercher du bureau pour me ramèner à la maison est encore en retard. Bref, je me pose plus la question. J’attends tout juste. Ses excuses, bref, ses histoires de pneus (hahahahaha), je vous en dispense. Se pliant en quatre en s’excusant, je ne fais plus attention. Regard instant, il ne démarre pas et  attends mon sourire permettant de surseoir sa culpabilité. Et je ne fais pas prier. En enfourchant la moto, une dame en nous sifflant (après une course presque d’une minute), nous hèle toute essoufflée: « Bépanda cassemando ». Mon « zen de chauffeur » lui fait sentir qu’il n’est pas de service. Et nous continuâmes le trajet. Cependant, mon cerveau reste bloqué sur ce nom de quartier.

Bépanda est un de ces quartiers aux ramifications importantes. Ne hélez jamais un taxi sans préciser lequel des « bépanda ». »Bépanda cassemando? » Pourquoi cassemando, le nom d’une école, maugrée le chauffeur. Alors se déferle ma curiosité. « Bépanda borne fontaine? » Parce qu’il y avait une bonne fontaine à l’epoque. Ah! « Bépanda sans calençon », parce que monsieur a battu sur sa femme et l’a déshabillée. « Bépenda double balle » parce que deux coups de feu fut tirés à cet endroit. « Bepanda tandon »? Parce qu’on y vends de la viande de bœuf. HIHIHI. Je suis éberluée.

Alors en parcourant la ville cette nuit, je ne peux m’empêcher de remarquer que la ville ne comporte pas de plaques de rue. Faux, elle en contient véritablement. C’est vrai qu’il faisait nuit aussi. L’outil pratique, Foursquare ou google Maps. Je suis rentrée et j’ai sauté sur l’ordi de libre que j’ai trouvé. C’est fou quand même de voir à quel point la technologie nous informe sur ce qui devrait être.  Alors, le lendemain, je me suis mise à regarder moins le sol et les gens, les yeux rivés sur les bâtiments. Chose curieuse, c’est sur ces bâtisses construites sous l’occupation allemande que sont collés ces écriteaux. Plutôt curieux. Ils existent vraiment. Fallait juste que je me courbe un peu plus. Je me penche sur le coté. Que je repère à moins de 10 km une plaque cachée sous l’enseigne d’un écriteau à vendre, ou sous les annonces immobilières écrites sur les murs de la ville. Parfois, je devais avoir les pouvoirs de spiderman. Il existe un boulevard de la république, je le savais pas ça. Oh! Rue kassalafam, rue bessengue, avenue Japoma. Si si si si c’est vrai, je ne savais pas ça.

Douala compte près 120 quartiers répartis en 6 arrondissements. La ville  s’est imposée comme capitale économique du pays par son port qui a permis le développement de près de 80 % de l’activité industrielle du Cameroun. À lui seul, le port draine plus de 95 % du trafic portuaire du pays, par conséquent, une immigration conséquente. Les zones d’habitats se créent ça et là. Les noms appartiennent à l’histoire de cet endroit. Tenez « logbaba jardin » , le plan d’urbanisation ne connait que celui de logbaba. Mais pour spécifier les entrées, on y a ajouté logbaba « jardin ». Parce qu’à cet endroit, il fut un jardin d’enfants. C’est le retour à l’oralité. Je vais finir par croire que la colonisation n’a jamais eu raison de nous. Tout est fait en termes d’historique, d’histoire racontée. Les choix de noms de rue, de quartiers, de personnes, de choses.

Tenez par exemple, le termes « baba ». Au Cameroun, ce terme est un adjectif qualificatif décrivant  le caractère faux d’un objet ou d’une personne. Il vient d’où, il vient du terme « babaguida ». Ce même termevient d’où? Dieu seul sait. Encore cette histoire d’oralité. Je me demande si un jour, on parviendrait à coucher sur du papier le pourquoi de certaines choses.

Allez touriste, bien vouloir contacter l’application camerounaise Foursquare, le benskimen (Les chauffeurs de moto-taxis)!  Quoi? C’est vrai oh!

Allez,

Son’a ponda! (A bientôt)

Partagez

Commentaires

Samvick
Répondre

bel article, bon je laisse tout de même ce que je pense être une contribution.
"Baba" vient de Babangida qui est un nom vulgaire chez nos voisins nigérians. Le plus célèbre fût le footballeur Ibrahim Babangida de leur équipe nationale (à l'époque de Okocha et Kanu).
Quant à Bépanda, mon analyse géographique (et que je pense être logique) est que c'est la zone tampon entre les 2 principales grandes ethnies de la ville: Bassa et Douala d'où son immensité qui a logiquement entraîné les dénominations

Samvick
Répondre

Petite rectif, "Tijani Babangida" au lieu de "Ibrahim"

Danielle Ibohn
Répondre

Merci Professeur Moriaty hihihihihi!

René Nkowa
Répondre

Explication de "Baba": Baba désigne les produits ou les articles de mauvaise qualité. Un peu comme tous les produits qu'on dit chinois quand on veut parler des produits de mauvaise qualité. Comme l'a dit Samnick, Babanguida est un nom très répandu au Nigéria. Et au cours des années 1980-1990, le Cameroun importait une grande partie de ses produits manufacturés du Nigéria. Et ils étaient souvent de mauvaise qualité. D'où le terme "baba", qui en fait est un diminutif de Babanguida.

René Nkowa
Répondre

J'ai d'ailleurs fait un billet, si tu t'en souviens, sur la même thématique, celle des noms de quartiers à Douala. https://ntrjack.mondoblog.org/2011/02/15/bienvenue-a-douala/

Danielle Ibohn
Répondre

Ok :-)

Salma Amadore
Répondre

c'est vrai faut se poser des questions sur les noms des quartiers c'est parfois bizarre, bel article

Danielle Ibohn
Répondre

Merci salma!

Serge
Répondre

merci pour ce cours d'étymologie... j'en profite vraiment pour en savoir un peu plus sur ce cameroun passionnant... quand j'irai par là, je serai informé de beaucoup de choses...

Danielle Ibohn
Répondre

o_O hihihihi

Danielle Ibohn
Répondre

:-)

Osman Jérôme
Répondre

Heureusement que la curiosité une proche amie de l’intellectuel. Joli billet chère.

Danielle Ibohn
Répondre

Merci! osman!

Danielle Ibohn
Répondre

:-)

Tilou
Répondre

Super, le billet. Comme quoi on peut faire du tourisme dans la ville où l'on a toujours vécu.

et puis pour : « 'Bépenda double balle' parce que deux coups de feu fut tirés à cet endroit.» Ça peut être une explication parmi d'autres. Je pense à une autre...bon d'accord, je sors. :-)

Danielle Ibohn
Répondre

HAHAHAHAHA explication changeante hihihihi!

etiennebilly
Répondre

Oh!

On vient encore en classe!

Notre professeur en quartierologie!

Le prochain cours c'est quand?

Très bonne réflexion!

Emile
Répondre

Excellent

Aphtal CISSE
Répondre

Cameroun, Cameroun! Si ce pays m'enchante tellement, c'est d'abord parce que nous avons eu la même histoire coloniale, mais aussi et surtout, parce que vous en parlez si bien, René, Florian et toi! Cet article m'a permis de voyager!
Aphtal

josianekouagheu
Répondre

Moi j'apprends des choses sur des lieux que je parcours pourtant chaque fois. Je suis avisée...

florent
Répondre

Baba est le diminutif de Babanguida, en effet. Il a été à la tête de l'état du Nigéria de 1985 à 1993, il est arrivé à la faveur d'un push, car il faut savoir qu'il fut également général d'armée. A cette époque, le Cameroun importe des ustensiles de cuisine (plateaux et autres assiettes-le fameux coumbo) portant son effigie. Voila je pense l'origine de ce nom. Pour le reste Jackson a en partie raison. Sur le fond, dans un pays où rien n'est régulé, très peu de choses codifiées, il est normal que les populations s'approprient certaines prérogatives, normalement dévolues à l'état. Le résultat, c'est ça! des noms de lieux dont personne ne sait ni l'origine ni la signification

Abdallah Azibert
Répondre

Et une raison de plus pour visiter Douala.